François R - Kronoscopie

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Mon Kronos par François



Korg un jour, Korg toujours !

Mettons tout de suite les choses au point. J'ai un a priori favorable pour les synthétiseurs Korg. Attention, il ne s'agit pas d'amour aveugle ; je suis plutôt du genre « qui aime bien, châtie bien » ! Néanmoins, je dois reconnaître un faible pour les workstations de la marque depuis la sortie du mythique M1, auquel mon histoire personnelle avec les produits Korg m'avait sans doute préparé. L'arrivée du K
ronos est donc une histoire qui a commencé il y a bien longtemps.

Début des années 80. Bac en poche et direction la fac, je gagnais alors de quoi assurer mon indépendance financière vis-à-vis de mes parents en faisant du piano-bar. Il me fallait donc avoir mon propre synthétiseur afin de pouvoir apparaître plus « pro » dans mes prestations. Ne disposant pas d'un budget inépuisable (rappelons-nous qu'un Jupiter 8 valait tout de même 41 000 francs en 1983, soit plus de 13000 € de 2012, pas vraiment dans les moyens d'un étudiant !), mon choix s'est porté sur un Korg Trident d'occasion, qui me parut à l'époque offrir ce dont j'avais besoin, à savoir sons de cordes/cuivres/synthés, pour un prix raisonnable comparé à ce qui était disponible chez les revendeurs du quartier connu pour ses filles de joie, son moulin et ses magasins de musique. J'ai donc appris la programmation d'un synthétiseur sur une machine Korg.

Dans les années qui suivirent jusqu'à l'arrivée du M1, j'avais revendu le Trident, acheté un DX7 (les sons de synthé que tout le monde voulait avoir), mais conservé un Polysix, puis acheté un DW6000 et un Poly-800. De plus, l'autre clavier du groupe dans lequel j'évoluais à l'époque avait également un Korg, le Mono/Poly, auquel s'était ajouté le Poly 61 à sa sortie. À ce moment de ma vie, Korg est un peu devenu le choix par défaut. Bien sûr, je rêvais comme tout le monde de m'acheter un Jupiter 8, un Matrix 12, un Synthex ou encore un Memorymoog, mais la dure réalité de mes finances m'imposait de me contenter de machines situées de l'entrée au milieu de gamme. C'est donc pour cela que je me suis penché sur les synthétiseurs Korg, une marque qui s'était forgée une réputation de bon rapport qualité-prix dans les années 70 et 80. Puis un jour, la grosse claque...

Ce soir de janvier 1989, je me rends dans un piano-bar proche des Champs-Elysées pour écouter une copine et jouer une demi-heure le temps qu'elle fasse un break. Elle venait tout juste de recevoir son M1, synthétiseur que je n'avais pas encore eu l'occasion d'entendre. Je me souviendrai toujours du choc émotionnel à la première écoute d'une combi piano/strings. Aujourd'hui, le piano du M1 fait rire, mais à l'époque, un tel niveau de réalisme dans une machine de cette catégorie de prix, c'était du jamais vu ! Le lendemain, je me suis libéré (boss, j'ai 40 de fièvre) et j'ai passé toute la journée à jouer sur un M1. À l'époque, ma technique pour ne pas me faire jeter consistait à faire les magasins de musique comme on fait les bars, à savoir partir juste avant que le barman ne commence à en avoir assez de vous. Paris étant une ville bien lotie en magasins de musique, je pouvais donc passer de M1 en M1 à raison de 30/40 mn sur chaque sans m'attirer les foudres du vendeur et des autres clients potentiels souhaitant essayer la bête. J'ai fini par acheter un M1 quelques mois plus tard, après avoir vendu ma grand-mère à la recherche scientifique, mon chien au boucher et dit au revoir au DX7. Absolument rien n'allait m'empêcher de me procurer ce M1 !

M1 en poche, je suis partie pour la perfide Albion, pensant faire mon année et rentrer sur Paris. Les circonstances en ayant décidé autrement, je me suis installé en GB et le M1 fit place au T3, qui fit place au X3. Entre temps, il y eut également un
01R/W et un Wavestation SR, machines qui ont définitivement consacré mon affection pour les produits Korg. Dans mon esprit, Korg était bien la marque reine des workstations. Quelques années passent, certains Korg quittent mon home-studio, d'autres y font leur entrée (le Z1) et nous nous retrouvons au milieu des années 90. Je reçois un jour un courrier de mon magasin fétiche me disant qu'un démonstrateur de chez Korg UK allait passer au magasin pour effectuer la démonstration du nouveau Korg, j'ai nommé le Trinity. À cette époque, Korg UK s'était attaché les services d'un type génial, Phill « deux L » MacDonald, démonstrateur et sound designer de grand talent. Ce fut la deuxième grosse claque jamais ressentie à l'écoute d'une workstation. Une fois de plus, Korg avait fait très fort ! Mis à part la qualité du son produit par cette machine, l'écran tactile de 320 x 240, jusqu'à 4 effets d'insertion en série, des possibilités d'expansion, un Prophecy ou Z1 sur carte interne, l'enregistrement de 4 pistes audio sur disque dur SCSI... Pour 1996, c'était le fin du fin ; un M1 gonflé aux anabolisants. il me fallait cette machine ! J'ai donc acquis le Trinity V3 toutes options (PBS, DI, TRI), lequel figure toujours dans mon home-studio à l'heure actuelle. Dans les années qui suivirent, je pense avoir eu entre les mains tous les synthétiseurs Korg jusqu'à l'Oasys, sauf le MS-2000 qui ne m'avait pas du tout séduit. Quant au Triton, le rack est resté quelques temps chez moi, mais ne m'a pas convaincu par rapport au Trinity. Il ressemblait plus à un Trinity V4 qu'à autre chose dans mon esprit.

Jusqu'à la sortie de l'Oasys, aucune autre workstation ne m'avait donné envie de remplacer le Trinity. Comme tout amateur de synthétiseur, j'ai suivi le lancement des produits concurrents chez Roland, Yamaha et même chez les plus petits comme Kurzweil, mais sans y trouver le produit qui déclenche l'impulsion d'achat. Seul l'Oasys m'a fait réfléchir au remplacement du Trinity, mais son prix était dissuasif pour moi, ayant entre temps rejoint la catégorie sociale des pères de famille et ayant d'autres priorités financières que de claquer mes revenus uniquement pour mon plaisir personnel. C'est donc avec regret que mon home-studio n'a pas accueilli cette machine d'exception à bien des points de vue. Néanmoins, je me doutais bien à l'époque que ce nouveau produit au niveau de la démarche ne resterait pas sans suite. Lorsque le M3 est sorti, j'ai trouvé cette machine intéressante et sympatique, mais elle n'était pas le véritable successeur de l'Oasys. Néanmoins, je me suis posé la question de l'achat et j'ai même failli ouvrir un site dédié. Pour diverses raisons, dont la principale étant l'absence d'argument imparable me faisant craquer, j'ai décidé d'attendre encore.

Et c'est en 2011 que j'ai retrouvé une raison d'être excité comme un pou ! Cela faisait alors cinq ans que l'Oasys était sorti et je me demandais si un 76 d'occase ne serait pas la voie à suivre. Pendant quelques temps, j'ai oscillé entre un Oasys d'occase ou un Kronos neuf. Au final, le Kronos l'a emporté, principalement en raison de la faible différence de prix entre la cote de l'Oasys et le prix d'un Kronos neuf. Pour être franc, si j'avais trouvé un Oasys à 2000 €, j'aurais peut-être, voire sans doute, sauté le pas. Mûrement réfléchie, la décision d'achat du Kronos me semble être néanmoins la bonne. L'Oasys reste une superbe machine dotée d'excellentes caractéristiques et qui saura continuer à satisfaire ceuix qui s'en sont rendus acquéreurs, mais les arguments pour l'achat du Kronos font pencher la balance en faveur de ce dernier, tout du moins en ce qui me concerne. Rien que les pianos acoustiques et électriques du Kronos en font une machine redoutable que l'Oasys ne peut concurrencer à ce niveau.

Nous voici donc en 2012 et j'ai mon Kronos entre les mains depuis quelques jours. Répond-t-il à mon attente ? Bien sûr que oui ! Je n'ai pas non plus acheté à l'aveugle et uniquement sur des a priori positifs. Après avoir lu les brochures, bancs d'essai et suivi les discussions sur Internet dans les forums pertinents, je me suis précipité pour poser mes mimines dessus dès que le magasin de musique proche de chez moi fut livré et le mit en démo. Néanmoins, j'ai quand même été voir ce qui se faisait chez les concurrents, histoire de faire une comparaison et en essayant de me faire l'avocat du diable. Aujourd'hui, les machines disponibles, workstation ou synthétiseurs, sont toutes excellentes lorsqu'il s'agit de la qualité du son qui en sort. Motif XF, Jupiter 80, Kurzweil PC3K7, tous ces synthétiseurs offrent de quoi satisfaire le plus exigeant des home-studistes, particulièrement pour l'émulation d'instruments acoustiques. Pour la plupart d'entre nous, ce qui compte ce sont avant tout les pianos, les guitares, les cordes, les cuivres, les batteries, c'est-à-dire les sons que l'on va employer dans nos compositions. À partir de là, n'importe lequel des synthétiseurs mentionnés ci-dessus fera l'affaire. Après, on rentre dans des considérations personnelles sur tel ou tel aspect particulier d'un synthétiseur.

Mon choix s'est donc déterminé de la manière suivante. J'ai passé outre sur le PC3K7, bel engin, mais la programmation de la synthèse VAST est une purge en ce qui me concerne
. J'ai bien vu que SoundTower avait produit un éditeur, mais ce clavier ne m'inspire pas. Je ne désespère pas de voir mon intérêt se renouveler à la sortie du K3000 tant attendu. Le seul truc qui me plaisait bien avec le PC3K7, c'est la mémoire flash de 128 Mo. Même remarque en ce qui concerne le Motif. OK, ça sonne bien, il y a d'excellents logiciels, meilleurs que l'éditeur livré par Korg, mais l'écran un peu riquiqui et, surtout, les restrictions de l'usage des effets d'insertion par rapport au Kronos m'ont assez rapidement dissuadé de pousser ma comparaison. En fait, le seul vrai concurrent au Kronos au niveau de ma bourse fut le Jupiter 80. Certes, ce n'est pas une workstation pusiqu'il lui manque un séquenceur. Aspect non rédhibitoire pour moi vu que je séquence sur ordinateur. J'utilise le séquenceur des workstations Korg plus comme un bloc-notes qu'autre chose, une sorte de boîte à idées lorsque je joue sans objectif particulier et que je tombe sur un truc qui me plaît bien. Non, les deux machines étaient proches sur bien des plans. Excellent son et dynamique d'ensemble, fonctions et synthèses avancées. Des plus pour le Jupiter (construction), des plus pour le KRONOS (variété des synthéses), des moins pour chaque, les colonnes avantages/inconvénients étaient assez bien réparties. En fin de compte, ce sont deux considérations purement personnelles qui ont fait penché la balance en faveur du Kronos. La première, l'ergonomie. Il est évident que des années et des années d'utilisation de workstations Korg font que je m'y retrouve les yeux fermés ou presque. Et cela a dû avoir une influence sur mon test du Jupiter 80, j'en conviens volontiers. Néanmoins, j'ai trouvé l'ergonomie de ce dernier vraiment pas évidente pour les fonctions avancées. Une fois sorti des fonctions classiques du type sélection des banques, lorsque j'ai voulu mettre le nez sous le capot, réglage des effets, programmation de sons, j'ai trouvé que l'ergonomie du Roland n'était pas évidente. C'est peut-être moi, mais si je commence à avoir besoin du mode d'emploi pour activer certaines fonctions alors que je suis un utilisateur de synthétiseur chevronné, c'est que l'ergonomie n'est pas aussi immédiate qu'elle ne pourrait l'être. Tout du moins, à mon sens. Le deuxième facteur important fut le toucher du clavier. Je me suis plus fait plaisir avec le RH3 du Kronos qu'avec le 76 notes du Jupiter 80. Là encore, c'est une question de préférence personnelle, qui n'enlève rien à la qualité de celui du Jupiter 80, mais je serais prêt à gager que les pianistes de formation trouveront le RH3 mieux répondre à leur attente d'un clavier lesté ou semi-lourd. Étant donné que le problème potentiel du RH3 est réglé par Korg avec le remplacement du clavier ou des coussinets, il n'y avait donc plus de point noir à noter en défaveur du Kronos, même si la perspective potentielle de devoir renvoyer le Kronos au SAV est un point dont on peut se passer volontiers, surtout dès qu'on vient d'acheter ! Heureusement, les nouvelles unités fabriquées intégrant les modifications nécessaires, ce problème ne sera bientôt plus qu'un mauvais souvenir.

Nous sommes donc fin avril et le K
ronos est à la maison depuis peu. Malgré le peu de temps passé à découvrir la vaste bibliothèque de sons, les fonctions et les synthèses, il ne fait aucun doute dans mon esprit qu'il a rejoint mon home-studio pour une longue période. Ne reste maintenant plus qu'à me plonger dedans pour apprendre à en tirer la quintessence. Tout n'est pas rose non plus. Certains aspects du Kronos ne me plaisent pas, voire pas du tout. Les extrémités en plastique noir brillant, j'aurais préféré de l'aluminium brossé ou du bois. L'écran 8 pouces sans inclinaison réglable, dommage de ne pas retrouver l'un des points forts de l'Oasys ; le volume des informations à afficher fait que tout apparaît trop petit à mon goût. Le fait que je suis dans ma quarantaine et que je commence à avoir besoin de lunettes de lecture n'arrange pas les choses non plus ! Je comprends le choix du 8 pouces au niveau des arguments de la place prise par l'écran par rapport aux dimensions hors tout ; peut-être que l'avenir est à des écrans 8 pouces mais de format 16:9 ou 16:10, ou alors à un système de zoom qui permet de régler la taille d'affichage des polices, un peu comme les liseuses. D'autres points sont un peu décevants, tels la plaque de fond du clavier en aggloméré ; j'aurais préféré du métal et, surtout, une trappe d'accès permettant d'ajouter de la RAM, de changer le SSD, sans grande difficulté. Après tout, nous ne sommes pas tous capables d'ouvrir la bête en suivant les instructions données dans la section des didacticiels techniques, alors que n'importe qui est capable de mettre une barrette de mémoire dans un PA1X. À ce propos, je trouve également dommage que Korg ne livre pas le Kronos en sortie d'usine avec le maximum de mémoire déjà installé. Vu le coût actuel d'une barrette de 1 Go, ça n'aurait pas rajouté grand chose aux coûts de fabrication. Et puis, le design lui-même n'est pas parfait ; devoir dévisser le clavier pour ouvrir le panneau du fond est une faute de conception, on doit pouvoir ouvrir un synthétiseur sans que le clavier ne soit démonté du châssis par la même occasion. Les boutons de commande sont fins ; pas ingérables, mais pas aussi agréables à utiliser que ceux du Solaris par exemple. Autre regret, à partir du moment où on donne la possibilité d'utiliser des signaux audio externes (les deux entrées Mic/Line), il est dommage de ne pas utiliser les nouvelles prises combo XLR/Jack. Cela faciliterait grandement les connexions, surtout au niveau des microphones. Enfin, mon Kronos fait partie de ceux qui sont atteints du problème des coussinets du bloc clavier RH3. Il y a donc une réparation à prévoir, ce qui est toujours ennuyeux, surtout lorsqu'on vient tout juste de recevoir le synthé. Pour le reste, ça va. L'alu brossé du panneau est chouette, le clic des boutons semble franc, la disposition des diverses commandes et boutons est pratique. Nous verrons bien à l'usage si d'autres points positifs et/ou négatifs se dégagent clairement. Quant au son, la dynamique est excellente. Il manque encore deux banques EXs de qualité, l'une de guitares, l'autre de cuivres (KARO s'occupe de celle-ci en ce moment), et le Kronos sera alors l'outil de travail le plus complet au niveau des synthétiseurs hardware.

La conclusion que je peux déjà tirer de cette expérience qui débute à peine, c'est que pas loin de 25 ans après la sortie du M1 (et oui, déjà !) et Korg est bien toujours, pour moi, le roi des workstations ! La concurrence a bien essayé de proposer des workstations similaires au niveau des fonctions et de l'usage prévu, mais Korg conserve une longueur d'avance en matière de machines « tout-en-un ». En tant que « bête de somme » de mon studio, le K
ronos offre d'énormes possibilités, presque sans limites. Je ne connais aucun synthétiseur à l'heure actuelle capable d'envoyer un son d'orgue virtuel vers un filtre de MS-20 tout en permettant l'évolution du son grâce à un joystick vectoriel ! Pouvoir traiter un son EXi1 et envoyer le résultat en tant qu'entrée audio dans l'EXi2, c'est quand même fortiche ! Ce synthétiseur permet d'imaginer le développement de sons de synthèse les plus fous, tout en améliorant la qualité des échantillons utilisés pour émuler les instruments classiques. À mon niveau d'amateur éclairé, je dis * :

M'sieur Korg,

Kimi ni hakushu wo okurou okuritai, (je dis que tu as le droit de t'applaudir)
Kimi ni hakushu wo okucchae ! (allez, donne-toi une salve d'applaudissements)

François


* Paroles extraites de la chanson Bravo/Bravo du groupe Buono!
http://www.youtube.com/watch?v=hfGn9kD2Rhk

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